La fête des ancêtres.

Je le vois avec ses lunettes sur le nez, le visage à 15 cm du carnet sur lequel il écrit en khmer. Mon père avec l’air grave, concentré et cette écriture qu’il traçait sur le papier de ses mains dont le temps s’était chargé de dessiner d’autres jolies lignes, un beau moment que j’aurai immortalisé s’il ne m’avait pas dit que, ce qu’il était en train d’écrire c’était les noms de nos ancêtres. Un bout de papier qui aussi, doit être réduit en cendres.
C’est un grand jour pour mes parents, ils ont fait quatre heures de route pour pouvoir célébrer ensemble et comme il se doit, le Pchum Ben, l’équivalent de la fête des morts. Parce que les esprits font partie intégrante de la culture khmère, cette fête est aussi importante que le nouvel an (chaul tchnam).

Dans la pagode de la communauté cambodgienne de Roubaix, quatre bonzes sont présents pour réciter les prières afin de faire honneur aux ancêtres, mais aussi aux vivants, estimés à près de 400 personnes pour l’évènement.

Deux gigantesques Bouddha siègent au fond de la salle, l’un en posture assise et l’autre est couché. Les moines sont assis devant les statues, pas de fenêtres pour éclairer cette grande pièce même si la porte de l’extérieur, laisse entrevoir le soleil qui brille. Qu’importe, la couleur prédominante du orange illumine l’intérieur noirci de monde, toutes générations confondues. Ces gens qui arrivent à tour de rôle, en famille, offrandes à la main. La nourriture est réservée aux bonzes dans un premier temps pour ensuite être partagée dans un moment de convivialité autour de bons plats khmers soigneusement préparés la veille.

Ma mère me parlait de cette fête depuis plusieurs mois déjà. Même si mon père s’aide d’une troisième jambe pour marcher, que le tournis le gagne à chaque pas et qu’elle, s’acharne à faire à manger malgré ses douleurs, faire don de soi nous portera chance pour notre vie future me répète-t-elle. Ils sont là aux anges pour fêter les morts mais aussi la vie, la réincarnation, cet éternel recommencement qui font que nos actes ont leur importance dans le présent.

Ce présent où les rires de mon enfant nous accompagnent au quotidien, cet enfant considéré au pays du sourire comme la réincarnation même du fils de ma tante au Cambodge.

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